La branche française d’Amnesty international a estimé que le sujet sur le port du voile islamique dans le sport aboutit à « stigmatiser et exclure » les musulmans.
« Ailleurs dans le monde ce n’est pas un problème. Seule la France interdit le sport aux femmes qui portent le foulard, au prétexte de lutter contre le séparatisme et au nom de la laïcité », affirme Nathalie Godard, directrice de l’action à Amnesty International France, dans un communiqué.
Amnesty se demande aussi « dans quel autre pays » les propos de la ministre des Sports sur le sujet « déclencheraient une réunion de recadrage par son Premier ministre ».
Marie Barsacq a, à plusieurs reprises, exprimé ses réserves après le vote en février par le Sénat d’une proposition de loi LR interdisant le voile dans les compétitions sportives.
En début de semaine, François Bayrou a convoqué cinq ministres en désaccord sur l’interdiction du port du voile lors des compétitions sportives et les a invités à faire preuve de « solidarité ».
Dans la foulée, la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes, Aurore Bergé, a assuré que le gouvernement « inscrira dans les meilleurs délais » cette proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Après les sénateurs, ce sont les députés qui devront se prononcer sur ce texte.
Ni radicalisation ni communautarisme
En 2023, le Conseil d’Etat, saisi par le collectif des Hijabeuses, avait tranché pour le maintien de l’interdiction dans le football. Depuis, certaines fédérations se sont alignées sur cette interdiction, comme au volley-ball ou au rugby.
Les présidents de fédération sont sur une ligne de crête, car les fédérations internationales, elles, autorisent le port du hijab. Et un rapport de l’Institut des hautes études du ministère de l’Intérieur de mars 2022 assure que les données collectées « échouent à montrer un phénomène structurel ni même significatif de radicalisation ou de communautarisme dans le sport ».
Les sportives qui portent le voile ont le droit de jouer, comme les autres !
Une proposition de loi vise à à exclure les femmes qui portent le voile des compétitions sportives. Adoptée par le Sénat le 18 février, elle doit encore être discutée à l’Assemblée nationale. Dans une tribune collective, nous alertons sur les dangers de cette proposition de loi et exposons en quoi elle est discriminatoire. Nous le rappelons : le sport doit rassembler, jamais exclure.
Cette tribune a été publiée initialement dans Le Nouvel Obs, le 17 février 2025
Les 18 et 19 février 2025, à l’occasion d’une séance plénière au Sénat, sera débattue une proposition de loi visant à renforcer le principe de laïcité dans les compétitions sportives en interdisant le port de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse. Celle-ci aurait pour effet d’interdire l’accès aux compétitions à de nombreuses femmes et filles en France. L’Association Nationale des jeunes dans le champ du sport et de l’animation (ANESTAPS), Amnesty International France et Basket Pour Toutes alertent sur les dangers de cette proposition de loi qui est contraire au droit international et aux valeurs de libertés, d’inclusion et d’égalité que prône le sport.
Cette proposition de loi prétend faire respecter le principe de laïcité, mais porte en réalité une atteinte grave à la liberté de conscience. Elle porte aussi atteinte aux droits de participer à la vie culturelle, de disposer de son corps et de ne pas être discriminée, pourtant garantis par les conventions internationales ratifiées par la France.
Selon l’observatoire de la laïcité, « la laïcité garantit la liberté de conscience, la liberté de religion et de culte, de laquelle découle la liberté vis-à-vis de la religion, et celle de manifester des convictions, quelles qu’elles soient – religieuses ou non -, mais toujours dans les limites de l’ordre public. ». L’observatoire rappelle d’ailleurs que l’interdiction du port de signes religieux ne s’applique pas aux usagers des services publics. C’est aussi le sens de la décision du Conseil d’État statuant dans le contentieux opposant les Hijabeuses à la Fédération française de football.
Le sport est, par essence, un espace où chacun peut se dépasser, apprendre et s’épanouir. Il transcende les barrières sociales, culturelles et religieuses et porte des valeurs universelles de respect, d’égalité et de diversité. Pourtant, choisir d’interdire le port du couvre-chef sportif revient à priver des milliers de femmes qui portent le voile de cet épanouissement personnel et collectif.
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De plus, cette interdiction ne prend pas en compte les réalités des terrains. En effet, elle constituerait un frein pour des femmes et des filles dont la pratique sportive est déjà bien inférieure à celle des hommes. Elle serait la source d’isolement social, de sédentarité, de mal-être psychologique et d’humiliation supplémentaire, pour les sportives exclues ou obligées d’enlever publiquement leur voile. Elle porterait atteinte à la pérennité des clubs dont l’activité bénévole repose en partie sur l’implication de femmes qui portent le voile. Enfin, elle restreindrait les opportunités de voir des talents français s’épanouir sereinement. En n’entravant pas la pratique du sport, nous favorisons sa féminisation, un objectif que la France s’est fixé, notamment à travers l’organisation des premiers Jeux Olympiques et Paralympiques paritaires en 2024.
Les institutions internationales comme le Comité International Olympique, la FIFA ou encore les Nations unies ont démontré qu’il est possible de concilier liberté religieuse et pratique sportive. Leur décision d’autoriser le port du couvre-chef sportif dans les compétitions prouvent qu’une réglementation inclusive peut coexister avec des standards élevés de sécurité et d’équité. La proposition de loi aggraverait une exception française remarquée lors des Jeux Olympiques et Paralympiques, où la France était le seul pays à interdire le port du voile à ses athlètes.
Nous appelons les sénateurs et sénatrices à rejeter cette proposition discriminante et à travailler collectivement à des solutions qui garantissent l’accès au sport pour toutes et tous, sans distinction. Ensemble, faisons du sport un monde inclusif et émancipateur, fidèle à ses valeurs universelles.
Premiers signataires
Anne Savinel Baras, présidente Amnesty International France
Béatrice Barbusse, sociologue
Bianco Jean-Louis, président de Vigie de la laïcité, ancien ministre, ancien président de l’Observatoire de la laïcité
Bresson Aurélie, Editions « Les Sportives »
Damala Kayode, président des Étudiants Musulmans de France (EMF)
Diniz Yohann, ancien athlète de haut niveau
Anestaps
Basket pour toutes