Le sport : Terrain de lutte islamophobe

Après avoir été adoptée devant le Sénat, c’est au tour de l’Assemblée nationale d’examiner dans les prochaines semaines la proposition de loi interdisant le port du voile dans toutes les compétitions sportives. Une attaque islamophobe d’ampleur qui découle d’une longue série de dispositifs d’exclusion et de criminalisation.

Mardi 18 février, le Sénat adoptait largement (210 voix contre 81) une proposition de loi visant à interdire le port de signes religieux dans l’ensemble des compétitions sportives, qu’elles soient départementales, régionales ou nationales.

Une exclusion progressive et continue des femmes portant le voile

Cette proposition de loi, dont l’auteur n’est autre que Michel Savin, sénateur LR de l’Isère, a été soutenue « avec force » par le gouvernement. Elle fait suite à une toute une série d’attaques islamophobes particulièrement violentes pour les femmes de confession musulmane.

En effet, sous couvert d’une interdiction générale du port de tout signe religieux, c’est bien le port du voile qui est particulièrement visé et l’exclusion progressive des femmes musulmanes de la société.

Celles-ci ont d’abord été stigmatisées à l’école par la loi de 2004 interdisant le port de « signes ostentatoires ». Ensuite exclues des plages par des arrêtés municipaux anti-burkini validés par le Conseil d’État en 2016. Ce même Conseil d’État qui, sous couvert du maintien d’un « ordre public » validait en mai 2022 la suspension dans la piscine de Grenoble d’un règlement intérieur qui permettait le port de maillot de bain couvrant. En mars 2022, la Cour de cassation avait quant à elle validé le règlement intérieur du barreau de Lille interdisant aux femmes musulmanes de porter le voile avec la robe d’avocat->https://www.revolutionpermanente.fr/On-m-empeche-d-etre-avocate-car-je-porte-le-foulard-Entretien-avec-Me-Sarah-M-et-Me-Clara-Gandin]

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard qu’au sein de cette même loi, on retrouve une disposition qui a pour but de prohiber le port de tenues susceptibles de « contrevenir » aux principes de « neutralité des services publics » et de laïcité. Une disposition qui, si elle est adoptée, permettra d’entériner définitivement la décision du Conseil d’État de 2022 interdisant le burkini dans les piscines municipales.

Attaques islamophobes dans le sport

Désormais, la volonté d’exclure les femmes portant le voile se poursuit dans toutes les compétitions sportives, y compris amateur.

C’est dans le football que ces polémiques réactionnaires se sont particulièrement illustrées. En juillet 2023, les hijabeuses, un collectif créé en 2020 pour défendre le droit des joueuses de football de porter le voile, avaient contesté devant le Conseil d’État l’article 1 des statuts de la FFF qui interdisait le port de « signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse au cours des matchs. Le Conseil d’État avait validé cette interdiction « pour garantir le bon déroulement des matchs et éviter toute confrontation ». Une justification qui permet de rendre les joueuses portant le voile responsables de l’islamophobie qu’elles subissent.

Plus récemment, lors des JO, c’était l’athlète française, Soukamba Sylla, qui, après un chantage raciste du gouvernement consistant à lui interdire sa participation à la cérémonie d’ouverture, avait fini par devoir remplacer son foulard par une casquette.

Selon Amnesty International, qui a étudié les règlements sportifs dans 38 pays européens, la France est le seul pays à avoir adopté une interdiction des couvre-chefs religieux, soit dans des lois nationales soit dans des règlements sportifs spécifiques.

Le sport : terrain de lutte politique

Alors que l’État poursuit son injection de lois islamophobes sous des prétextes de « neutralité » et de « laïcité », il n’est pas anodin que cette proposition de loi intervienne au moment où une répression féroce est organisée contre toutes celles et ceux qui s’opposent au génocide en Palestine.

Selon le gouvernement, ces mouvements de solidarité auraient une supposée proximité avec l’islam politique ou « l’islamisme » et contribueraient à le propager. Des accusations qui permettent de décrédibiliser les mobilisations qui ne s’essoufflent pas malgré les importants dispositifs mis en œuvre par l’appareil répressif d’État.

Dissolution du collectif Palestine vaincra que le Conseil d’État a confirmé le 20 février, interdiction des rassemblements en soutien à la libération de Georges Abdallahdéferrement de militants au tribunal pour avoir brandi des drapeaux palestiniens lors d’un match de basket et qui ont finalement été relaxés : l’État, par le biais de sa police et de sa justice, ne lésine pas sur les moyens pour mettre à mal toutes les expressions de solidarité.

C’est bien lorsque cela ne sert pas ses intérêts impérialistes que l’État promeut une prétendue neutralité dans le sport. Une neutralité qui doit en réalité s’effacer lorsqu’il s’agit d’apporter un soutien inconditionnel à l’Etat d’Israel, à l’image du match de foot France-Israël pour lequel les principales figures du régime se sont déplacés, d’Emmanuel Macron à Michel Barnier, en passant par Bruno Retailleau, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Face à toutes ces attaques d’ampleur, l’ensemble des forces progressistes de la gauche doit former un front uni. Du combat des femmes à disposer de leurs corps comme elles le souhaitent, au combat contre la criminalisation de tout.es ceux.elles qui osent élever des voix dissidentes.

Célia Mahrez