Les femmes voilées font face à des discriminations croissantes dans le marché du travail en France. De nombreuses étudiantes musulmanes rapportent avoir subi des comportements islamophobes lors de leur recherche d’emploi ou de stage. Des expériences qui les amènent à douter de leur avenir en France. Les explications de la rédaction.
Avant même de décrocher un contrat stable, de nombreux étudiants et étudiantes musulmanes sont confrontés à des discriminations islamophobes dans le marché du travail. Ces expériences, souvent traumatisantes, les amènent à s’interroger sur leur présence future en France.
Le casse-tête des candidatures et des CV
« La première a chose à laquelle je pense quand j’arrive quelque part, c’est que, comme je porte le hijab, les gens savent que je suis musulmane, donc il faut absolument que mon comportement soit irréprochable. » explique d’emblée, Amira, une jeune musulmane voilée. Elle avoue avoir toujours cette pensée en arrière-plan, bien qu’elle ne veuille pas se positionner en victime.
Étudiante en master de langues à l’université Lyon 3 et passionnée par la culture japonaise, elle s’implique dans l’association des Étudiants musulmans de France (EMF Lyon), qui propose des formations pour aider à l’insertion professionnelle. Face à l’inquiétude de la discrimination, elle confie s’être longtemps interrogée sur la photo à inclure ou non sur son CV, notamment lorsqu’elle porte son foulard.
« Une RH musulmane m’a conseillé de mettre ma photo si je suis certaine que l’entreprise est ouverte, mais sinon, il vaut mieux éviter, car le hijab peut leur faire peur », raconte-t-elle. Elle préfère désormais postuler uniquement auprès des structures où elle sait qu’elle sera acceptée.

Quittez la France : une éventualité généralisée
En théorie, la loi française autorise le port de signes religieux dans les entreprises privées. En 2021, la Cour de cassation a même jugé illégale le licenciement d’une employée portant le foulard. Cependant, les discriminations persistent. Selon une étude récente, les CV des femmes voilées ont plus de 80 % de chances en moins d’être retenues pour un entretien en France.
Une autre étudiante de 21 ans partage une expérience marquante. Alors qu’elle cherchait un emploi étudiant dans la garde d’enfants, tout semblait bien se passer, jusqu’à ce qu’elle demande – lors de l’entretien téléphonique – si le port du hijab était accepté. « Là, il y a eu un blanc, puis la personne m’a répondu : « Si voile, cela signifie qu’on peut voir votre cou, alors oui, sinon, non ».
Sous le choc, elle n’a pas rappelé l’entreprise. « Ce sont des enfants, pourquoi voudrait-on leur faire croire que les femmes voilées sont un problème ? » déplore l’étudiante. Pour elle, quitter la France, projet impensable dans son enfance, devient une éventualité. « Si on ne m’accepte pas comme je suis, pourquoi rester ? Mais il est hors de question que j’enlève mon voile pour travailler. Ça fait partie de moi ».

Le gouvernement français renforce l’exclusion
Les récentes propositions du ministre Bruno Retailleau, visant à interdire le port du hijab dans les universités, n’ont fait qu’alimenter cette inquiétude. Certaines étudiantes, face à ce climat, doutent même de leurs droits fondamentaux. « Si je parle, ça peut se retourner contre moi. Pourtant, je suis dans mon droit », déplore une étudiante.
Les discriminations, renforcées par une « politique du soupçon » envers les musulmans, ont été analysées par Haoues Seniguer dans son ouvrage La République autoritaire – Islam de France et illusion républicaine 2015-2022. En septembre, des tags islamophobes à l’université Lyon 3, tels que « Islam dehors », ont encore accentué ce sentiment d’exclusion.