Les dockers du port de Tanger au Maroc s’opposent à la livraison d’armes vers Israël

Malgré la répression et les pressions de leur direction, une majorité des dockers du port de Tanger au Maroc a décidé de s’opposer à la livraison d’armes vers Israël pour dénoncer le génocide à Gaza. Certains ont même choisi de démissionner.

Soutien à la Palestine : à Tanger, les dockers refusent de décharger des armes à destination d'Israël

Crédit photo : APM Terminals

De vives mobilisations ont éclaté ce mois-ci à la suite des révélations de Declassified UK et The Ditch concernant l’envoi d’une cargaison de composants d’avions de combat F-35 destinée à la base aérienne de Nevatim en territoire palestinien occupé, l’un des principaux centres de commandement de la guerre génocidaire contre Gaza, où est stationnée la flotte de F-35 de l’armée israélienne.

Parti de Houston, au Texas, le navire Detroit de la compagnie Maersk a été la cible de protestations à chacune de ses escales. À Norfolk (Virginie) d’abord, puis à Elizabeth (New Jersey), des rassemblements ont eu lieu contre la responsabilité de Maersk dans la livraison d’armes à Israël.

Au Maroc, où la cargaison devait être transférée le 22 avril vers le navire Nexoe au port de Tanger Med pour être acheminée vers le port de Haïfa, la contestation a été massive. Le vendredi 18 avril, une escale du Nexoe à Casablanca a donné lieu à un rassemblement populaire aux abords du port, suivi, le dimanche 20 avril, de manifestations simultanées à Casablanca et à Tanger. Les deux manifestations ont été violemment réprimées par les forces d’État marocaines, qui sont intervenues pour empêcher les milliers de manifestants d’approcher les infrastructures portuaires.

L’opposition à l’accostage de navires transportant du matériel militaire pour Israël dans les ports marocains ne s’est pas cantonnée à la rue. Trois syndicats marocains, dont la puissante Union Marocaine du Travail, ont demandé aux travailleurs portuaires de refuser toute opération de chargement ou de déchargement sur les « navires du génocide ». Il s’agit de la première initiative de blocage concrète lancée par les centrales syndicales depuis le début du génocide. Jusqu’alors, les directions syndicales s’étaient limitées à des déclarations de soutien à la cause palestinienne, laissant les actions de terrain émerger exclusivement de leur base militante. Sous la pression conjointe des dockers et de la rue, l’entrée du navire Nexoe dans le port de Casablanca a été retardée de près de 40 heures.

À Tanger, une large majorité de dockers a décidé de boycotter la cargaison. Certains ont même choisi de démissionner en signe de protestation contre la complicité de leur employeur APM Terminals — filiale du géant danois Maersk — dans le génocide en cours à Gaza. Selon des témoignages recueillis par le média marocain Hespress, les travailleurs ont fait face à « une pression importante de la part de l’entreprise ». Confrontée à un refus massif, la direction a finalement eu recours à des ouvriers non syndiqués pour achever les opérations, évitant ainsi un blocage total. Le Nexoe a pu quitter le port dans la nuit du 23 au 24 avril.

Ce n’est pas la première fois que des navires de la compagnie Maersk transportant des armes pour Israël se heurtent à la résistance des dockers de Tanger. En novembre dernier, les Maersk Denver et Maersk Seletar avaient été redirigés vers le port de Tanger Med, après s’être vu refuser l’accès au port espagnol d’Algésiras en raison de soupçons de violation de l’embargo sur les armes imposé par l’Espagne à Israël. À Tanger, plusieurs dockers avaient refusé de manipuler la cargaison, provoquant l’inquiétude des dirigeants de Maersk. Selon l’enquête du journal danois Ekstra Bladet, l’incident avait été jugé suffisamment grave pour que le PDG de la multinationale fasse le déplacement à Tanger, mêlant opération de séduction et menaces de licenciement à l’égard des travailleurs opposés au chargement du matériel militaire.

Outre l’Espagne, plusieurs pays de l’Union Européenne ont interdit l’exportation d’armes vers Israël, faisant de Tanger Med un port désormais stratégique pour l’acheminement de matériel militaire utilisé par l’armée d’occupation. La mobilisation exemplaire des dockers marocains s’inscrit dans la continuité des actions menées par les travailleurs du port de Fos-sur-Mer qui ont imposé un contrôle du navire Nexoe avant son arrivée au Maroc, ou des dockers du Pirée, en Grèce, qui ont bloqué une cargaison de munitions destinée à Israël.

Dans un contexte de course au réarmement à l’échelle mondiale, ces actions montrent la voie à suivre pour construire un internationalisme ouvrier contre le militarisme impérialiste, dans lequel les travailleurs des ports et du secteur de la logistique auront un rôle central à jouer. Face au génocide à Gaza, il est impératif de reconstruire un internationalisme ouvrier conséquent, coordonné, et qui soit en mesure de peser face aux politiques de Netanyahou et toutes les puissances impérialistes qui lui apportent leur appui. Discuter de cet internationalisme ouvrier, c’est l’objectif du grand meeting de Révolution Permanente qui aura lieu le 24 mai prochain à Paris, inscrivez-vous !