Emmanuel Macron :  » La France pourrait reconnaître l’État de Palestine « 

La France pourrait reconnaître l’État de Palestine en juin, a déclaré hier Emmanuel Macron à « C à vous ». Une annonce encore conditionnelle mais qui marque une opposition à l’éradication des Palestiniens de Gaza et à la politique israélienne, et un durcissement de la position française.

Jusqu’ici, la France avait paru frileuse ; engagée sur le terrain humanitaire, hésitante sur le plan politique. Mais les résistances ont sauté face à la radicalisation des attitudes : celle de Benyamin Netanyahou qui a repris la guerre à Gaza et établi un blocus de l’aide depuis plus d’un mois ; celle aussi de Donald Trump avec sa proposition invraisemblable de vider Gaza de ses habitants palestiniens.

Après deux jours en Égypte, et un déplacement près de la frontière de Gaza auprès de blessés palestiniens, Emmanuel Macron a franchi un pas important hier. Il a déclaré dans une interview à l’émission C à vous que la France pourrait reconnaitre l’État de Palestine en juin, ce qui en ferait le principal pays occidental à sauter le pas.

C’est encore au conditionnel, mais c’est une première. L’État de Palestine est évidemment un État virtuel, sur un territoire qu’il ne contrôle quasiment pas. Mais la démarche est avant tout politique. Reconnaître cet État, c’est refuser que les Palestiniens ne disparaissent ; c’est privilégier une solution politique au remodelage de la région par la guerre, comme cela se passe depuis dix-huit mois.

En juin prochain, la France co-organise, avec l’Arabie Saoudite, une conférence sur la Palestine au siège des Nations Unies à New York. A cette occasion, a déclaré Emmanuel Macron, pourrait être finalisé un « mouvement de reconnaissance réciproque » : reconnaissance de la Palestine par plusieurs pays dont la France d’un côté, reconnaissance d’Israël par ceux qui ne le font pas encore, de l’autre. Dans ce deuxième groupe, on pense à l’Arabie Saoudite, qui n’a pas signé les Accords d’Abraham par lesquels certains de ses voisins du Golfe ou le Maroc ont reconnu Israël.

Le président n’en a pas dit plus, et il y a donc un risque que cette démarche diplomatique n’aboutisse pas. Mais il s’est beaucoup avancé dans cette déclaration pour reculer une nouvelle fois en juin.

La question s’était déjà posée il y a un an, lorsque l’Espagne, l’Irlande et la Norvège, avaient décidé de reconnaître ensemble la Palestine. Emmanuel Macron avait alors déclaré qu’il le ferait « à un moment utile ». Plusieurs voix avaient appelé la France à le faire, dont celle de son ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian ; et des voix israéliennes comme celle de l’ancien ambassadeur en France, Élie Barnavi. Sans succès.

Qu’est-ce qui pousse aujourd’hui Emmanuel Macron à agir ? Le changement de contexte. Avec le retour de Donald Trump, Netanyahou a un allié à Washington qui s’oppose, comme lui, à la solution des « deux États ». De plus, la guerre à outrance menée depuis la rupture du cessez-le-feu rend le silence complice.

Mardi, le quotidien libanais francophone « L’Orient-le-Jour » titrait « Macron se positionne comme le meilleur allié occidental des pays arabes ». C’est nouveau, une sorte de revival de la « politique arabe de la France » héritée du gaullisme, après des années de déshérence en dehors du Liban.

La France joue l’équilibre, contre le Hamas d’un côté, contre Netanyahou de l’autre. Cette démarche constitue un grain de sable dans la mécanique d’éradication des aspirations nationales palestiniennes mise en œuvre par le gouvernement israélien.

Gageons que d’ici à juin, beaucoup tenteront de dissuader Emmanuel Macron de franchir le rubicon : il a entre ses mains la possibilité de changer la donne diplomatique.

RadioFrance