Les techniques modernes d’information – ou de désinformation – boostées à l’Intelligence Artificielle (I.A.) sont de nos jours tellement sophistiquées qu’il est dorénavant presque impossible de distinguer le réel du fictif, le vrai du faux. De plus en plus d’outils de création numérique et de manipulation d’image, très faciles d’emploi car assistés, sont gratuitement à la disposition de tous. Détourner les textes, les images et les vidéos de leur sens initial est relativement enfantin et, hormis par les initiés, les corruptions sont difficilement décelables. Si la plupart des « mêmes » (déformations d’un original), des « fakes » (photos truquées) et des « deepfakes » (vidéos remaniées) sont produites dans un but humoristique ou pour ridiculiser gentiment, nombre de faussaires et d’escrocs usent largement de ces « infox » ou « fake news » (fausses informations) par malveillance ou pour arnaquer les plus crédules.
Personne ne veut perdre et tout le monde veut gagner. Forts de cette évidence tautologique, les perdants se croient obligés de déclarer qu’ils ont gagné. Pour ne pas perdre la face et donner l’illusion qu’ils sont vainqueurs, les belligérants de toutes sortes bluffent et mentent à tire larigot, en espérant mystifier durablement. C’est monnaie courante dans les petites guéguerres que se livrent les êtres humains pour des raisons plus égoïstes et matérielles que philanthropiques ou spirituelles. La finalité étant de terrasser l’ennemi par n’importe quel moyen, ceux qui sont dépourvus d’éthique et de dignité ne trouvent aucun inconvénient à utiliser les pires stratagèmes et ignominies pour arriver à leurs fins, sans jamais les reconnaître et les assumer pleinement.
Les suprémacistes dans l’âme prétendent porter secours aux peuples opprimés au nom des droits de l’homme (blanc) et de la protection des ressources naturelles (indispensables à l’équilibre occidental), tout en violant les frontières, en déstabilisant les régimes en place, en pillant les richesses et en pervertissant les peuples qu’ils se complaisent à ruiner. Les plus cyniques révisent l’Histoire à leur avantage, qualifiant leurs victoires d’historiques, minorant leurs défaites, invoquant des prérogatives religieuses et territoriales, se victimisant à outrance, revendiquant des devoirs de mémoire, relativisant leurs atrocités en s’appuyant sur des holocaustes périmés et en légitimant leurs vengeances par de l’autodéfense ou de la réparation de torts. Les contrefacteurs accaparent aussi les principaux canaux d’information pour altérer les actualités journalistiques et étouffer silencieusement toute opposition.
Il faut calculer à long terme et ne pas se réjouir prématurément. Pour progresser, il faut admettre ses insuffisances, ses travers et ses défaites et pas se fourvoyer dans de la fiction et de la propagande. Certaines défaites peuvent anticiper des victoires, comme ce semblant de reddition des Musulmans à al Hodeibiyyah à l’époque prophétique, qui a finalement débouché sur la conquête pacifique de Makkah. Sur un plan purement islamique, est-il convenable et admissible de recourir au bluff et au mensonge ? J’ose à peine poser la question sachant que pour certains « la fin justifie les moyens », « la guerre est une ruse »[i] et le mensonge est parfois acceptable.[ii] Néanmoins, lorsque quelqu’un bluffe à outrance en multipliant les fausses promesses et les mensonges (comme ce hâbleur de Donald Trompeur), il est permis de douter de ses engagements, de ses déclarations et de sa crédibilité.[iii] Le Prophète de l’Islamص avait une réputation de véridicité et on le voit mal agir de la sorte, والله أعلم.
« Pour être heureux, vivons cachés » dit le proverbe. « Pour réussir, restons discrets » ajouterai-je. Au lieu de proférer des invectives puériles, de crier sur les toits qu’on élabore des bombes atomiques, de menacer d’éventuelles représailles et d’émettre des fatwas oiseuses, il serait plus judicieux de ne proclamer les prouesses incertaines qu’après les avoir réalisées. Au lieu de jouer les fiers-à-bras et de bombarder à tort et à travers pour causer sciemment des dommages collatéraux sur des civils – c’est du plus mauvais effet – il serait préférable de privilégier, comme certains, les frappes chirurgicales sur les cibles militaires ou stratégiques. Il faut mordre au lieu d’aboyer, mais pour ça il faut disposer des capacités appropriées et ne pas se vanter prématurément qu’on est en passe de les acquérir. Étant gosse j’étais très turbulent et quand je faisais des sottises ma mère multipliait les sommations de corrections mais mon père, lui, me les administrait sans ultimatum (c’était permis à l’époque aux propriétaires d’enfants). Faut-il préciser ce qui m’incitais le plus à me tenir à carreau, le bluff ou l’escarmouche ?
[i]« La guerre est tromperie (ruse) » (Al-Boukhâry, 56/157/3029)
[ii]« Le mensonge est permis dans trois (circonstances) : quand un mari parle à son épouse pour la contenter, pendant la guerre et pour établir la concorde entre les gens » (At-Tirmidhi, Livre « De la rectitude et des bonnes relations avec les gens », Bâb « Ce qui a été rapporté à propos du fait de rectifier les problèmes »)
[iii]« Ne mentez pas car le mensonge mène à l’impiété et l’impiété mène à l’Enfer. L’homme qui use régulièrement de mensonge en viendra à être inscrit auprès de DIEU comme un grand menteur. Soyez véridiques car la véracité mène à la piété et la piété mène au Paradis. L’homme qui dit toujours la vérité en viendra à mériter le nom de très véridique ». (Boukhary 78/69/1 – Abou Daoud 40/80 – Tirmizhy 25/46).